So-ro-ri-té. Ça sonne bien, non ? Et pourtant, ce mot est un des grands oubliés de la langue française. La preuve, il est souligné en rouge sur ton ordi et ton téléphone le corrige automatiquement en « sonorité » 🤦🏻‍♀️

Sororité (n. féminin encore heureux) : attitude de solidarité féminine.

La sororité, c’est le fait de se soutenir entre femmes. Pas évident dans une société où domine l’idée selon laquelle, par nature, les femmes ne s’entendent pas entre elles. Avec #MeToo, cette solidarité féminine fait cependant son grand retour. Et si on en profitait ? Si on appliquait ce principe puissant pour construire une société plus égalitaire ?

Un terme qui ne date pas d’hier

Le mot sororité vient du latin soror, qui veut dire soeur ou cousine. Il est beaucoup moins connu que son équivalent masculin, fraternité, mais ce n’est pas un concept nouveau pour autant. Pour te dire à quel point ça date, on parlait déjà de sororité pour désigner des communautés de religieuses…au Moyen-Âge !

Ce mot a ensuite disparu des écrans radars pour resurgir dans les années 70 de l’autre côté de l’Atlantique. C’est l’époque où les filles accèdent aux études supérieures. Elles créent alors des « sororités » (sorority) comme elles ne sont pas admises dans les « fraternités » (fraternity), sortes de confréries masculines. Si tu as regardé des séries américaines, tu dois très bien voir de quoi il s’agit.

L’idée de se regrouper entre femme fait son chemin, d’autant plus qu’on est en plein dans une période appelée la « deuxième vague du féminisme ». Le terme apparaît alors dans des livres avant d’être popularisé avec des slogans comme « sisterhood is powerful » (« la sororité donne du pouvoir »).

Avec #MeToo, le retour de la sororité ?

Ces dernières années, le mot sororité a fait son grand retour. Pourquoi ? Grâce à #MeToo, mouvement sororal par excellence ! Pour rappel, tout ça a commencé en 2017, suite à un tweet de l’actrice Alyssa Milano :

Moi aussi.

Suggéré par un•e ami•e : si toutes les femmes qui ont été victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles écrivaient « moi aussi » en statut, on arriverait peut-être à montrer l’ampleur du problème.

Des femmes du monde entier ont alors pris la parole sur les réseaux sociaux pour dénoncer du harcèlement, des agressions sexuels et du sexisme. À ce moment là, d’autres se sont mises à encourager ces témoignages et à partager leur expérience en disant « moi aussi ». Avec #MeToo, les femmes se sont réunies, elles se sont fait confiance et se sont soutenues les unes les autres à travers le monde. Et c’était beau.

#MeToo c’est bien, mais ça n’a visiblement pas suffit à démonter le l’idée largement répandue selon laquelle les femmes ne s’entendent pas entre elles. En même temps, on comprend vite que ce genre de cliché persiste quand on regarde les histoires qui ont bercé notre enfance :

  • Cendrillon harcelée par ses belles soeurs
  • Blanche-Neige assassinée par sa marâtre
  • …et toutes les autres princesses maudites par des sorcières en tout genre.

Le pire, c’est que ça continue tout au long de notre vie avec un nombre incalculable de livres et de films basés sur des histoires de rivalité entre femmes (Le Diable s’habille en Prada, Black Swan, Lolita malgré moi, etc.). À l’inverse, notre culture est marquée par des grandes histoires d’amitiés masculines (Batman & Robin, Tintin et le capitaine Haddock, Sherlock Holmes et le Dr. Watson, etc.).

Qu’on soit bien clair : les femmes ne naissent pas rivales, ce n’est pas biologique. Il s’agit d’un comportement sociologique qui a de nombreuses explications, comme le fait qu’on évolue dans une société qui a intégré cette idée reçue et la nous transmet via de nombreux supports. 

La femme est tellement fragile en sa place que du coup quand elle voit la copine débouler elle est terrifiée d’être évidée, virée, qu’on la remplace.

Chloé Délaume

Mais alors…est-ce qu’on ne pourrait pas faire changer ça à notre échelle ?

Déconstruire la rivalité entre femmes

D’après l’autrice Chloé Delaume, on est entrée dans l’ère post #MeToo. Celle où les femmes ne sont plus des rivales. Celle où elles cessent de s’en prendre les unes aux autres. Celle où elles considèrent qu’elles sont « dans la même équipe », qu’elles doivent se soutenir. Elle en parle d’ailleurs très bien dans son livre plein d’espoir intitulé Mes bien chères soeurs. Elle défend également la sororité au micro de Lauren Bastide, dans l’épisode 48 du podcast La Poudre.

Voici quelques pistes pour arrêter de perdre du temps à considérer les autres femmes comme des rivales et appliquer la solidarité féminine dans la vie de tous les jours :

❤️ Considérer les femmes qu’on rencontre avec bienveillance.

🤝 S’entraider, se soutenir : embaucher une femme compétente si on en a l’occasion, ne pas en laisser une autre se faire insulter gratuitement devant nous, valoriser les entreprises montées par des femmes, etc.

🙊 Et le conseil de Chloé Délaume pour la fin : essayer de ne plus dire « connasse ».

 Alors oui, ce n’est pas évident, ça demande du boulot, c’est une habitude à prendre. Et non, ça ne veut pas dire qu’il ne faudra jamais se positionner contre quelqu’un lorsqu’on n’est pas d’accord ou ne pas se défendre quand on est attaqué sous prétexte que la personne est une femme. 

Il faut prendre sur soi parfois, mais je propose qu’on essai. Si on soutenait toutes, si on se faisait plus mal, si on se mettait toujours, avant d’agir, à la place de celle d’en face ? Puisque la société nous barre la route, si nous, pour compenser, on se tendait toute la main ? Imaginez comme tout changerait. Imaginez, deux secondes, le pouvoir qu’on aurait.

Lauren Bastide

Si l’égalité homme-femme semble un objectif aujourd’hui encore impossible à atteindre, la sororité et les réseaux féminins sont un véritable espoir, un outil pour y parvenir. Alors, on s’y met toutes ?