Fléxitarien, végétarien, végétalien… La diffusion de ces régimes alimentaires masque une tendance de fond au niveau mondial : la consommation de viande augmente depuis 50 ans, notamment dans les pays en développement. En France, on mange quatre fois plus de viande qu’il y a deux siècles, soit environ 86 kg par personne et par an. Pour assurer un tel rendement, l’agriculture a dû s’adapter et s’intensifier. C’est ainsi que s’est développé l’élevage industriel.
Un type d’élevage où la rentabilité de l’exploitation augmente avec le nombre d’animaux. Un type d’élevage dont les objectifs sont la quantité et le profit, et non les conditions de travail des humains, le bien-être des animaux ou l’environnement. Pour enrayer cette machine, manger moins de viande est une solution. Mais elle doit être suivie par une transformation agricole pour que les choses changent réellement. De ton côté, tu peux agir en mangeant moins…mais mieux ! Explications.
Les enjeux de la consommation de viande
Élevage industriel
Le fait est qu’en à peine deux générations, la viande s’est invitée au menu de chacun de nos repas. Il a suffi de 50 ans pour que l’élevage subisse une mutation profonde, et avec elle le rapport aux animaux, à l’élevage et à l’environnement.
🐮🐔🐷 Animaux d’élevage
Dans des bâtiments, ils sont entassés par centaine voire millier, sélectionnés, inséminés artificiellement, limités dans leur mouvements, gavés d’antibiotiques et engraissés à bas coûts. Une fois qu’ils sont assez gros, ou plus assez productifs, leur courte vie s’achève à l’abattoir. Enfin.
👨🌾Agriculteurs & agricultrices
Depuis plusieurs années, le nombre d’exploitation diminue alors que leur taille augmente : on appelle ça la concentration Les petits paysan·ne·s qui ne peuvent pas emprunter pour investir dans des bâtiments et du matériel high-tech mettent la clé sous la porte, les autres s’endettent jusqu’au cou. Difficile de dire dans quel camp on préfèrerait se trouver.
👥Ouvrier·e·s agricoles
Ils abîment leurs corps et évoluent dans un environnement irrespirable tant l’air est saturé des vapeurs d’ammoniac et de protoxyde d’azote acres et toxiques qui s’élèvent des déjections. Croisons les doigts pour que l’aération ne tombe jamais en panne. Du côté des abattoirs, le travail se fait à la chaîne. C’est comme à l’usine, mais au milieu des carcasses d’animaux, dans l’humidité, la chaleur et les odeurs de chaire et de sang. Il a de quoi devenir fou.
🌍 Environnement
Regrouper un grand nombre d’animaux dans de petits espaces, c’est intensifier la pollution dans certaines zones et ainsi pollué la terre et l’eau. L’élevage de porc concentré sur la Bretagne a ainsi entraîné la prolifération des algues vertes, nocives, à cause d’une trop grande quantité de déjections d’animaux au même endroit. L’élevage intensif, c’est aussi la déforestation (cf. plus bas), l’émission de beaucoup de gaz à effet de serre ou encore la perte de biodiversité.
Alors de la viande oui, mais à quel prix ?
L’exemple du soja
« Élevage industriel » ou « élevage intensif », ce n’est pas un label mais plutôt un ensemble de pratiques dont l’objectif est la rentabilité. Pour illustrer ça, je vais te donner l’exemple du soja.
Si les herbivores, comme les vaches, mangent surtout de l’herbe, d’autres, comme les cochons et les poules, sont nourris à l’aide d’aliments concentrés : céréales, oléo-protéagineux (colza, tournesol, soja), minéraux, etc. Le grand favori de l’industrie agro-alimentaire, c’est le soja. Il est transformé en tourteau (définition plus bas) avant d’être donné massivement aux animaux.
🔎 Zoom sur le tourteau
Les graines oléagineuses (tournesol, colza et le fameux soja) sont broyées et pressées. On obtient ainsi de l’huile et un autre produit : le tourteau. Celui-ci est faible en matières grasses et riche en protéines, ce qui en fait un aliment idéal pou nos animaux d’élevage ! Mention spéciale pour la France qui, étant un pays d’élevage, est le premier consommateur de tourteaux en Europe.
Oui, mais ce soja, et les oléo-protéagineux (désolée pour ce mot compliqué, mais ça se dit comme ça), on n’en produit pas assez en France et en Europe. Alors qu’est-ce qu’on fait ? On importe ! Ainsi, l’Union européenne importe environ 33 millions de tonnes de soja chaque année. La majorité (88%) sert à nourrir les animaux. Ce soja provient notamment du Brésil (37%) et d’Argentine (29%). Or, dans ces pays-là, on déforeste l’Amazonie pour développer ces précieuses plantations de soja. En résumé, une des principales causes de la déforestation, et donc des feux en Amazonie qui ont fait la Une de l’actualité tout l’été, c’est l’élevage !
Le soja est la deuxième cause de déforestation dans le monde, mais, à l’échelle de l’Europe, c’est la première cause de déforestation importée.
Comme je te vois venir, précisons bien que la solution n’est pas pour autant de produire tout ce soja en Europe. Parce qu’aujourd’hui, près de 70% des terres agricoles européennes (terres cultivables et prairies, soit 1,2 millions de km2) sont déjà utilisées pour nourrir nos animaux. C’est énorme !
La solution est très simple, tu la connais même déjà. Il faut :
📉 Réduire notre consommation de viande (et de produits laitiers, même si ce n’est pas dans le titre de l’article),
🐷Transformer notre système d’élevage.
💡 Sans rentrer dans les détails techniques, au lieu d’avoir une alimentation animale hautement protéinée et issue de cultures intensives de soja, on pourrait par exemple avoir une approche écologique :
- Nourrir les ruminants (vaches, moutons, chèvres) au pâturage avec des prairies plantées de légumineuses. Les légumineuses, comme la luzerne, ce sont des plantes très riches en protéines.
- Nourrir les porcs et les volailles avec des résidus de culture et, pourquoi pas, des déchets de l’alimentation humaine.
Tout ça pour dire qu’il y a d’autres manières de penser l’élevage pour que celui-ci soit plus vertueux. Et la bonne nouvelle, c’est qu’on peut agir à son échelle pour influencer cette transformation positive de l’agriculture. Comment ? En mangeant moins de viande, mais mieux.
Manger moins de viande, mais mieux : astuces
Greenpeace préconise une diminution de notre consommation de viande de 50% d’ici à 2050. La consommation idéale serait ainsi de 16kg par habitant, soit 300g par semaine tout produits confondus. Bonne nouvelle : c’est faisable ! Voici quelques astuces pour diminuer sa consommation et favoriser les élevages respectueux des humains, de l’environnement et des animaux.
Introduire progressivement des repas végétariens
Ton alimentation est profondément liée à tes émotions, ton enfance et à ta culture. C’est encore plus vrai en France où la gastronomie est élevée au rang de religion. Faire des changements brutaux dans ce contexte, c’est presque impossible.
Alors pour arriver à réduire durablement ta consommation de viande, il faut mieux y aller étape par étape. Pour commencer, essaye de mettre un place un repas végétarien par semaine, puis deux, trois…jusqu’à finalement arriver à en avoir un par jour.
🍔Comme il est important de se faire plaisir, tu peux commencer par revisiter tes plats favoris version végé. Ça marche pour les lasagnes, les burgers, les pizzas, les pâtes, les plats en sauce…enfin pour presque tout quoi !
🌾 Si tu as besoin d’avoir quelque chose qui ressemble à de la viande dans ton assiette, jète un oeil du côté des substituts de viande (les steak végétaux et autres produits végétariens qui « miment » la viande). Ce n’est pas le plus écolo, mais ça peu aider à diminuer ta consommation de viande.
📚 Pour trouver des inspirations de plats végétariens, n’hésite pas à te tourner vers des livres de cuisines spécifiques ou même des comptes Instagram spécialisés. Tu as aussi de nombreuses recettes végétariennes sur ce blog !
Consommer d’autres sources de protéines
D’après l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES), on consomme 45% de protéines en trop par rapport à nos besoins (qui sont de 52g par jour). On a donc de la marge pour diminuer notre consommation de viande. Et puis il faut savoir que la viande n’est pas la seule source de protéines. Voici les autres aliments qui en contiennent :
- Les légumineuses : riches en protéines et en fer, cette catégorie d’aliments contient les lentilles, les pois, les haricots, les fèves ou encore le soja.
- Les céréales : riches en protéines, mais aussi en glucides, en fer, en fibres et en minéraux !
- Les oléagineux : derrière ce nom se cachent notamment les amandes, noix, noisettes et autres fruits à coque.
En utilisant régulièrement ces ingrédients, tu es sûr d’avoir un bon apport de protéines, même si tu diminues drastiquement ta consommation de protéines animales. En bonus, je te mets le lien du « Petit guide de l’alimentation végétale » proposé par Greenpeace.
Retrouve les recettes végétariennes du blog en cliquant ici.
Privilégier la viande locale et en circuit court
Ça, c’est pour la seconde partie du « manger moins, mais mieux« . Si tu veux continuer à manger de la viande, car on comprend aussi que certain·e·s aient tout simplement envie d’arrêter, voici quelques conseils pour la choisir :
- Privilégier de la viande locale. Comme on le disait dans cet article, le local est une notion floue qui peut signifier que la viande a été produite en France, dans ta Région ou bien ton département. À toi de choisir ce que tu mets derrière « local » en fonction de ton éthique !
- Privilégier la viande bio. Cette astuce permet de « limiter la casse ». D’abord parce que ça permet de s’assurer que la nourriture des animaux a été produite sans pesticides (donc même s’ils ont mangé du soja, ce sera du soja bio). Mais aussi parce que le label bio te donne quelques garanties en terme de conditions d’élevage (animaux élevés en plein air, certaines pratiques comme le fait de couper la queue des cochons ou les cornes des ruminants sont interdites, etc.). Ce n’est pas un label parfait, mais c’est un des mieux qu’on ait trouvé pour le moment.
- Privilégier un achat en circuit court, voire en vente direct. De cette façon, tu peux facilement obtenir des infos sur la manière dont les animaux sont élevés et nourris. Avec un peu de chance et en demandant, tu pourras même aller voir par toi-même sur l’exploitation.
Redonner à la viande ses lettres de noblesse
Et si on repensait notre rapport à la viande ? Derrière un morceau issu du vivant, il y a la vie d’un animal, mais aussi le dur labeur d’un humain qui l’a élevé. Rien que pour ça, en manger n’est pas anodin. Cet aliment mérite du respect, aussi bien dans la manière dont on le cuisine que dans celle dont on le déguste. Voilà quelques petites pistes pour filer cette idée :
- Apprendre à bien cuisiner la viande, comme le préconise Gille Daveau dans son livre « Manger moins (et mieux) de viande« . Apprendre à la cuire pour qu’elle ne perde pas sa saveur, sa texture, ses nutriments. Quitte à en acheter moins souvent et de meilleure qualité, autant être à la hauteur quand vient le moment de la cuisiner !
- Réserver la viande à des moments de fêtes, de partage, des moments en famille, entre amis. Réapprendre à déguster cet aliment pendant des instants privilégiés, et pas entre deux rendez-vous, seul·e dans une enseigne de fast-food aseptisée.
- Prendre le temps, avant de passer à table, de remercier l’animal et l’éleveur qui ont permis à ce morceau de viande d’arriver dans notre assiette. Ce rituel existe chez de nombreux peuples autochtones qui ont un lien fort à leur environnement et beaucoup de respect pour le vivant.
Le mot de la fin
Notre rapport à la viande est personnel et complexe. Aujourd’hui, il est pourtant difficile de continuer à fermer les yeux sur tout ce qu’implique la surconsommation de viande et l’élevage industriel. Comme chacun de nous, tu es sûrement touché·e parce ce qu’entraîne cette intensification de l’élevage, que ce soit par les problème sociaux, de bien-être animal ou écologiques. L’avantage, c’est que tu as la possibilité d’agir à ton échelle. Encore mieux, tu peux commencer dés aujourd’hui. Alors, tu essayes ?
💬 Bonjour Darling ne souhaite pas participer à la culpabilisation écologique. Réalise les actions proposées dans les articles « Green« seulement si tu en as les moyens (physiquement, économiquement, géographiquement, etc.). Tu ne peux pas ? Ce n’est pas la fin du monde, l’avenir de l’humanité ne repose pas QUE sur nos choix en tant qu’individus (les problèmes souvent systémiques et politiques). L’objectif n’est pas d’être parfait·e (ce n’est pas possible), mais de faire de son mieux #JeFaisAuMieux🌱
Bonjour !
Merci pour cet article. Chez moi le processus est déjà enclenché. J’avais toutefois une question. Est ce que l’on doit aussi diminuer la consommation d’oeufs (bio et issues de poules élevées en plein air !) et de fromage ? ou cette dernière peut venir se substituer à la consommation de viande ? Les protéines végétales c’est top mais mon système digestif ne les aime pas toutes à mon grand désespoir !!!!!
Merci par avance pour votre réponse
Claire
Bonjour,
Félicitations pour avoir enclenché ces changements déjà ! Dans un soucis de cohérence, il faudrait aussi effectivement réduire oeufs et produits laitiers, ou du moins les choisir selon les mêmes critères que la viande : circuits courts, labelisés, etc. Et oui, physiologiquement il faut du temps pour réhabituer le corps à un autre type d’alimentation. C’est aussi pour ça que c’est bien de faire étape par étape 😉
Bonjour
Mon point de vue en tant que productrice de lait bio est assez bien résumé par cet élu :
https://www.philippe-folliot.fr/vive-nos-paysans/
Essayons de voir le verre à moitié plein. Nous éleveurs élevons nos animaux avec amour sans compter nos heures et en faisant de leur bien être notre priorité absolue (souvent au détriment de notre propre bien être ).
Soyons fier de l’agriculture française et de ses agriculteurs qui font tout leur possible pour vous offrir des produits de haute qualité .
Voilà c’est un point de vue un peu différent du tien Anne Laure mais je te suis sur instagram depuis plus d’un an er je me suis dit que c’était le moment de donner mon avis. 🙂
Bonjour Amandine,
Ce n’est absolument pas un point de vue différent du mien. Comme je l’ai soulevé sur Instagram je ne suis pas du tout contre la consommation de viande ou même l’élevage. J’ai eu la chance, au cours de mon éducation, d’apprendre « l’équilibre » entre l’homme et l’animal, faire les canard avec ma maman, etc.
Ce que je décris et ce pourquoi je pense qu’on doit limiter sa consommation c’est la production de masse qui ne respecte ni l’animal, ni l’humain, ni l’environnement.
C’est aussi pourquoi j’ai fait le choix d’être végétarienne comme une contestation mais que cet article parle de « diminuer » et non « arrêter » de consommer de la viande. On veut encourager les gens à privilégier les « bons produits ».
Voici mon avis 🙂
Bonjour Amandine,
Merci pour ce point de vue constructif et plein de bonnes ondes pour poursuivre ce beau métier d’agricultrice !
Nous sommes effectivement d’accord : l’avenir appartient aux petites exploitations (en opposition avec les exploitations industrielles, élevages intensifs et autre ferme des 1000 vaches).
Nous sommes également d’accord sur le fait qu’il faut privilégier les bons produits. Peut-être en manger moins (sous-entendu manger moins des premiers prix fabriqués dans on ne sait quelles conditions…et rarement avec des produits locaux), mais pour pouvoir mettre le prix de façon à valoriser le travail de l’agriculteur, le terroir, le savoir-faire.
Enfin, nous sommes également d’accord sur le fait que les agriculteurs font un travail acharné et incroyable. Je suis intimement persuadée que l’origine des problèmes est politique et systémique (l’orientation des aides, la PAC, etc.) et non individuelle (ce n’est pas la faute des agriculteurs). Pas d’agri-bashing par ici 😉